COVID-19 Mini-série Épisode #3 – Sanctions pénales en période d’épidémie : que risque-t-on ?
Sanctions pénales en période d’épidémie : que risque-t-on ? Dans ce troisième épisode, nous traitons des sanctions pénales pour les infractions aux mesures imposées par le gouvernement suisse ainsi que les différentes autorités cantonales. A l’heure où la population est appelée à user de toute sa prudence et de sa responsabilité individuelle, tant les individus que les entreprises ont des obligations. Non seulement des cas de responsabilité médicales peuvent survenir suite aux décès de patients, mais le non-respect des règles de distance, d’hygiène et de rassemblement impliquent des peines qui peuvent être lourdes.
Covid-19 Mini-séries juridiques
Cette mini-série vise à fournir des lignes directrices et des recommandations durant l’incertitude liée à la propagation du nouveau coronavirus et aux récentes décisions des autorités suisses.
Les répercussions sur l’économie, la santé, les familles et les restrictions à la vie privée nous amènent à créer ces épisodes pour apporter des conseils juridiques pratiques pour les organisations privées et publiques.
L’Ordonnance fédérale 1 du Conseil fédéral du 28 février 2020 ne prévoyait aucune sanction pénale, les sanctions de la loi fédérale sur les épidémies (LEp) étant toutefois applicables aux violations de l’Ordonnance 1. Depuis le 16 mars 2020, l’Ordonnance 2 révisée contient des dispositions pénales permettant d’incriminer ceux qui n’appliquent pas les mesures imposées et, in fine, lutter contre le coronavirus. Les cantons doivent appliquer les mesures fédérales, mais disposent d’une certaine marge d’appréciation. Les citoyens suisses ont tardé à réagir et prendre la crise au sérieux. Des mesures plus drastiques ont été imposées pour inciter au « Je reste chez moi » avec des sanctions pénales et la possibilité pour les forces de police d’intervenir pour faire respecter l’ordre. La Suisse et ses voisins retiennent leur souffle dans l’espoir que les mesures permettront d’infléchir la courbe d’augmentation des cas positifs et réduire l’engorgement des hôpitaux. Dans ce 3e épisode, nous traitons des sanctions pénales en cas de non-respect des mesures imposées par la Confédération et les cantons ainsi que les problématiques pénales récurrentes dans cette situation extraordinaire.
Q.1 Quels comportements sont punissables depuis le début de l’épidémie ?
R.1.1: Au niveau fédéral, de nouvelles peines sanctionnent les comportements suivants :
Jusqu’à 3 ans de prison en cas de tenue de manifestations publiques et privées, non-fermeture
des établissements publics ou non-respect des normes d’hygiène et d’éloignement social.
CHF 100.- d’amende par personne pour les rassemblements de plus de 5 personnes dans les lieux publics ou de 5 personnes au plus à une distance de moins de 2 mètres. La version révisée du 20 mars 2020 va plus loin. Bien entendu, les infractions prévues par le code pénal restent applicables pour des comportements délictueux plus caractérisés.
R.1.2 : Au niveau cantonal, les cantons romands ont édicté des textes prévoyant des sanctions visant la population, les entreprises, les commerces, organisateurs de manifestations et employeurs :
• Genève : CHF 100.- à CHF 10’000.- d’amende pour violation des mesures contenues dans l’arrêté du 20 mars 2020 (plus de détails ici) ;
• Vaud : Jusqu’à CHF 20’000.- d’amende (50’000 en cas de récidive), pour certains autres rassemblements, le non-respect des normes d’hygiène, la non-fermeture des chantiers ou des distances sociales par les entreprises, voire les horaires imposés par l’arrêté (art. 16 arrêté du Conseil d’Etat du 18 mars 2020). Pour aller plus loin, lire la série d’actualités sur penalex.ch ;
- Valais : jusqu’à CHF 10’000.- d’amende pour non-respect du décret d’Etat du 16 mars 2020.
- Neuchâtel : CHF 500.- à 100’000.- (loi sur la santé (NE), jusqu’à CHF 40’000.- (loi sur les
établissements publics (LEP) ou loi sur la police du commerce (LPCom)) ;
- Jura : jusqu’à CHF 10’000.- d’amende pour les contraventions à la décision du 17 mars 2020.
- Fribourg : CHF 100.- à 250.- selon communiqué de presse du 20 mars 2020.
- Berne : CHF 100.- à 250.- (individus) et CHF 2’000-5’000.- (commerces) – 20 mars 2020.
Q.2 Puis-je filmer un comportement délictueux pour le dénoncer ?
R.2: En l’absence de consentement de la personne filmée, la preuve n’est, d’ordinaire, pas utilisable car obtenue illégalement. Au contraire, filmer quelqu’un sans son consentement peut être répréhensible sous l’angle du Code pénal (art. 179quater) et du droit au respect à la sphère privée (LPD). Compte tenu du fait que les infractions précitées ne sont pas des crimes, mais des contraventions et délits, les autorités de poursuite pénale ne pourraient vraisemblablement pas surveiller la population pour atteindre ce but (art. 282 CPP).
Q.3 Est-ce que je peux être punissable pour la diffusion d’une fake news ?
R.3: En général, non. La diffusion d’un mensonge n’est, en général, pas punissable. Toutefois, il faut être prudent dans le contexte particulier d’une épidémie : vulnérabilité, anxiété et danger concret pour la santé. Risque jusqu’à 3 ans de prison, celui qui aura jeté l’alarme dans la population par la menace ou l’annonce d’un danger pour la vie ou la santé (art. 258 CP). Est détérminante la notion de « population ». Selon le Tribunal fédéral (affaire Facebook – résumée en français), pour alarmer la population, il faut alarmer un « ensemble de personnes qui se trouvent à un endroit déterminé ». Celui qui diffuse ou transmet des « fake news » à la population (conférence de presse en streaming) serait punissable. Diffuser une fake news sur une page Facebook ou un groupe WhatsApp semble insuffisant pour alarmer la « population ». Dans cette période de crise sanitaire, nous vous recommandons de ne rediffuser aucun contenu, même provenant d’une personne sûre, s’il ne provient pas d’une source officielle et éviter de propager ces messages viraux.
Q.4 Un employeur est-il punissable s’il ne respecte pas les mesures requises ?
R.4: Oui. Un employeur a l’obligation légale de veiller sur, et protéger la santé de, ses travailleurs (art. 328 CO et 6 LTr). Dans le contexte particulier de la pandémie au Covid-19, le SECO rappelle les trois mesures essentielles que les employeurs doivent mettre en place : (1) télétravail ; sinon : (2) distance ; et (3) hygiène. Le SECO peut faire des contrôles et faire fermer les chantiers. Les sanctions pénales fédérales et cantonales (voir Q.1 ci-dessus) s’appliquent à tout employeur qui imposerait à ses employés de venir au travail alors que le télétravail est possible ou lorsque les règles de distance et d’hygiène ne sont pas respectées. Le dirigeant de l’entreprise peut écoper jusqu’à 3 ans de prison.
Q.5 Est-il possible de se faire dédommager contre une décision de l’Etat ?
R.5: Dans le contexte de mesures urgentes ordonnées par l’Etant, la LEp n’accorde aucun droit de réclamer des dommages-intérêts suite à une décision prise par l’Etat.
Il est recommandé d’évaluer les risques financiers et de revoir vos contrats avec des tiers, y compris, le cas échéant, ceux avec vos fournisseurs et vos polices d’assurance afin de minimiser vos risques et pertes. Le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche («DEFR») évalue la situation. L’Office fédéral de la culture a invité les organisations professionnelles à discuter de solutions après le plafond interdisant d’organiser des événements de plus 1000 personnes, permettant aux cantons de fixer un nombre inférieur.
L’indemnisation et l’analyse des contrats pose des questions complexes (droit de résiliation, cas de force majeure), que nous traiterons également dans un sujet suivant.